* Loin des idées reçues *
Dans l’imaginaire de beaucoup de gens, un jardin thérapeutique évoque deux lieux très différents : soit un jardin riche en plantes médicinales, soit un « espace vert » occupé par quelques agrès ou autres machines sensori-motrices.
Ce sont là deux visions absolument erronées du jardin thérapeutique.
Si celui-ci contient souvent des plantes aromatiques et médicinales, ce ne sera pas là sa seule (et principale) caractéristique.
Quant à l’installation d’agrès, elle n’est pas une obligation et devrait plutôt être évitée ou estompée tant leur présence rappelle automatiquement l’état de handicap du visiteur, état qu’il serait heureux d’oublier, au moins le temps d’une sortie au jardin…
Un jardin thérapeutique n’est donc ni un lieu de culture de plantes à tisanes, ni la transposition littérale en extérieur d’une salle de rééducation.
* Une démarche thérapeutique *
Un projet de jardin thérapeutique est l’objet d’une démarche thérapeutique. Sinon c’est un projet paysager.
L’humain (le patient, le résident mais aussi le soignant) est au centre des enjeux, même si une part du travail consiste à créer un (beau) jardin.
Réaliser un jardin pour améliorer les abords d’un établissement de soins sera certes apprécié de tous, mais si le projet se fait sans définir des objectifs thérapeutiques précis et une méthodologie d’action et de suivi, les bénéfices en terme de santé seront nécessairement faibles voire nuls. Il ne s’agira dès lors pas d’un jardin thérapeutique.
* Une thérapie par média *
Dans la réflexion d’un projet, il est fondamental de comprendre que le jardin thérapeutique est le lieu d’une thérapie par média, l’horti-thérapie.
Le média est ici le jardin, et par conséquent la Nature, constitutive de celui-ci.
C’est en la Nature que se trouve la ressource essentielle du pouvoir thérapeutique de l’horti-thérapie. C’est la Nature qui, par sa présence, sa beauté, sa diversité, sa richesse et sa vitalité, va accompagner, accueillir, inspirer, réveiller, apaiser, soigner. C’est par le contact à la Nature, c’est par sa mise en présence et son mouvement vers elle, encouragé par l’horti-thérapeute, qu’il y a thérapie.
Ici réside le coeur du projet d’un jardin thérapeutique. Son moyen d’action central est la mise en lien de l’homme à la nature.
Pour soigner une personne, nous pensons souvent ainsi : je veux agir sur telle ou telle pathologie, donc je vais chercher l’outil (médicament ou matériel médical le plus souvent) qui y répondra le plus rapidement et directement. Un outil qui produira des effets concrets faciles à prévoir et à mesurer.
Dans le cas de l’horti-thérapie, comme dans toute thérapie par média, cela ne fonctionne pas de manière si « automatique ».
Dans un jardin thérapeutique, on peut certes décider de certaines activités visant des objectifs précis de rééducation ou de maintien (jardinage, marche en particulier), mais les modalités d’action sont bien plus diverses (de la contemplation au jardinage en passant par l’exploration) et les effets ont lieu aussi bien sur la santé physique que psychique, cognitive et sociale.
Ces bienfaits sont bel et bien, aussi surprenant que cela puisse paraître, le résultat de la mise en lien régulière avec la Nature.
* La richesse de l’approche *
On sait l’effet bénéfique du beau sur la santé de l’homme. Dans le cas de la
Nature, il y a beauté mais aussi émerveillement, conscience du temps qui
passe, plaisir des sens, joie de créer avec du vivant, partage, rencontres humaines… Les sollicitations sont infinies dans un jardin, ce qui n’est pas le cas dans une chambre d’hôpital ou de résidence!
Il y a sans doute là résonance entre la complexité vivante et organique d’un jardin et la multiplicité des effets qu’il provoque en nous. Comme si en nous ré-accordant à la Nature (par nos 5 sens, notre sensibilité propre, notre monde affectif) renaissaient des pans inexplorés de notre être, source de beaucoup de vie, de désir et de paix. Nous avons le sentiment profondément soulageant d’un retour à la maison.
L’action thérapeutique est bien souvent souterraine, invisible, la relation à la Nature
agit en chacun, de manière subtile, sensible, organique, corporelle.
* S’en remettre à la Nature *
Aussi en faisant confiance en la Nature pour nous aider à soigner, harmoniser, équilibrer les vies des personnes fragilisées par l’âge ou la maladie, nous serons surpris des résultats obtenus. Il serait bien dommage de se priver de cette approche thérapeutique à la fois holistique et humaniste, ou d’en développer une vision réductrice (en ne voyant que l’aspect « rééducation corporelle et cognitive » par exemple).
Quand on pense un jardin thérapeutique, il faut donc accepter de ne pas tout maîtriser, mais s’en remettre à l’action silencieusement réparatrice de la Nature. Un mouvement intérieur pas toujours facile à accomplir tant notre besoin de comprendre et de contrôler est grand, mais un mouvement véritablement salutaire !