Le terme « jardin thérapeutique »

4 octobre 2021

Un sujet polémique

 

Le terme de « jardin thérapeutique » ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut !

D’aucuns lui préfèrent le terme de « jardin de soin », « jardin à but thérapeutique », « jardin à visée thérapeutique », « jardin cicatriciel », etc…

Tous ces termes proposés veulent-ils dire la même chose ?

Penchons-nous sur la question pour tenter d’éclaircir les choses. Non pas pour ajouter à la polémique mais plutôt pour creuser et questionner le sens de notre action, et peut-être vous aider à forger votre opinion !

 

 

Que veut dire le mot « thérapeutique » ?

 

Si nous cherchons du côté de l’étymologie, sa définition est claire : du grec « therapeuien »
= soigner.

Est thérapeutique ce qui soigne.
Derrière un mot qui semble un peu complexe et scientifique (et qui fait peur ?), il se cache en fait une notion très simple. En Grèce, le Therapon était celui qui soigne les anciens. L’être humain, sensible à la souffrance de son semblable, lui vient en aide et le soigne.

On « soigne » les blessures du corps aussi bien que celles de l’esprit. On soigne à l’aide de médicaments ou par d’autres moyens non-médicamenteux.

Il y a des kinési-thérapeutes, il y a des psycho-thérapeutes, etc…. A telle pathologie sera appliquée une thérapie adaptée.

On sait d’ailleurs aussi très bien (et de mieux en mieux) les liens étroits entre l’esprit et le corps. Aussi, en agissant sur l’un, on agit généralement également sur l’autre.

 

 

Le jardin est-il en soi « thérapeutique » ?

 

Les études scientifiques et sociologiques plus ou moins récentes montrent les bienfaits sur la santé mentale et physique de la présence de la Nature dans le quotidien despersonnes. Il semble cependant délicat d’affirmer qu’un jardin (bien que constitué généralement d’éléments naturels) est par essence « thérapeutique ». Tout comme un parc naturel ne le sera pas non plus.

Si tel était le cas, nous dirions de tous les jardins dignes de ce nom et de tous les parcs naturels qu’ils sont thérapeutiques.

 

Les jardins sont généralement créés pour satisfaire le besoin de beauté et de nature exprimé par l’homme. Ils ne sont cependant pas thématiquement créés pour se soigner d’une pathologie particulière.

Dès lors, dire qu’un jardin est « thérapeutique » c’est lui ajouter une intention particulière qu’il n’a pas d’emblée. Celle d’agir directement et efficacement sur une pathologie ou une maladie identifiée.

 

Si le terme « jardin thérapeutique » génère un certain malaise, c’est sans doute qu’il n’indique pas de manière évidente cette intention. D’où l’ajout des mots « à but » ou « à visée ».

 

Mais n’est-il pas évident qu’un jardin n’est pas en soi un thérapeute, qu’il n’agit pas consciemment à guérir ou soigner les hommes, que sans la présence réfléchie et agissante de l’homme il ne reste qu’un jardin, fût-il médicinal ?

 
L’homme joue évidemment un rôle essentiel pour faire de ce jardin le lieu favorable à une thérapie. C’est ici qu’intervient l’horti-thérapeute. Il est le garant que le jardin soit et demeure un espace de progrès thérapeutiques effectifs et mesurables, qu’il ne devienne pas simple jardin d’agrément.

D’où, d’ailleurs, l’importance de la formation des soignants à cette technique de prise en charge…

 

 

Mais on ne guérit pas forcément dans un jardin thérapeutique !

 

Il est sans doute nécessaire de faire la distinction entre deux sortes de thérapies : la thérapie de soutien et la thérapie curative.

 

Selon les contextes, l’état de santé corporel, mental ou cognitif pourra ou ne pourra pas être amélioré. Il ne peut parfois qu’être maintenu.

Or, maintenir l’état de santé d’une personne, c’est aussi en prendre soin. C’est la soigner des effets de la vieillesse, de l’inactivité et de l’isolement, par exemple. Cela reste donc « thérapeutique». La thérapie c’est le soin.

 

Un jardin thérapeutique s’adapte ainsi pleinement au contexte : les objectifs, les activités, les moyens mis en œuvre ne seront pas les mêmes d’un jardin thérapeutique à un autre.

 

Aussi pourrait-on sans doute tenter la définition suivante d’un jardin thérapeutique : un
jardin pensé et aménagé comme lieu de prise en charge thérapeutique, maintenu et utilisé comme tel par des personnes formées à l’horti-thérapie.

 

 

Pourquoi pas « jardin de soins » ?

 

Si la thérapie c’est le soin, comme évoqué plus haut, pourquoi ne pas utiliser le terme « jardin de soins » ?

Il nous semble que cette terminologie, sans être fausse et dénuée de sens, n’a pas l’impact suffisant pour la prise au sérieux par le public et les hautes instances de ce qui est en jeu et de l’apport de cette approche. Dans l’esprit commun, « apporter des soins » ne semble pas, d’emblée, avoir une grande portée sur l’état de santé des personnes. Ça fait du bien, mais est-ce que ça soigne vraiment ?

Une personne souffrante aura en revanche davantage de chances de tirer bénéfice d’une « thérapie ».

Les études montrent pourtant l’efficacité de l’approche horti-thérapeutique dans les parcours de soins. Il ne faudrait pas que le choix d’un terme réducteur en minimise la portée.

Nous espérons au contraire que prochainement les prescriptions médicales à des ateliers d’horti-thérapie deviennent monnaie courante !

 

Investir dans un jardin thérapeutique, ce n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres !

C’est se doter d’un outil de travail efficace à même de répondre à des besoins de santé publique et même… de générer de substantielles économies !

 

 

Art-thérapie / horti-thérapie

 

Il est sans doute intéressant de rapprocher ces deux thérapies. L’une comme l’autre sont en effet des thérapies non-médicamenteuses qui utilisent un média ordinairement étranger à la médecine : l’art d’un côté, les jardins de l’autre.

 

La différence entre les deux, c’est que le jardin est un lieu et l’art, ou plutôt l’œuvre d’art, n’en est pas un, au sens propre. L’œuvre est ce qui va être créé à partir de divers matériaux. Le lieu de la création importe ici généralement peu.

 

En art-thérapie, nul besoin d’apposer un adjectif au mot « art ». On ne parlera pas d’art thérapeutique !

La question se pose en revanche pour le jardin, car il est le lieu spécifique d’un accompagnement thérapeutique. C’est un lieu pensé pour cela, destiné à cela.

 Sans espace jardin, pas d’horti-thérapie (hortus = le jardin) !

 

Mais aussi, sans jardinier, pas de jardin ! Média et patient sont intimement liés.
C’est d’ailleurs une des forces de cette thérapie : le « patient » prend soin du jardin. En jardinant, il participe pleinement à la création de son outils de soin, il est l’acteur de sa guérison tout comme de l’équilibre du lieu (écologie, beauté, harmonie…).
Cette mise en activité et en responsabilité apporte estime de soi, attitude positive et au final une meilleure résilience.

 

Le jardin où prennent place ces ateliers d’horti-thérapie a donc bien une singularité. Il ressemble peut-être à un jardin comme un autre, mais il se distingue par ce rapport particulier qui s’établit entre le jardinier et lui-même.
Ce rapport « donnant-donnant » où on ne sait plus trop qui soigne qui, ce dialogue fécond entre l’homme et la nature qui en fait la force et qui est recherché par le thérapeute.

 

Cette singularité, c’est au final sa résultante thérapeutique, atteinte par l’approche horti-thérapeutique.

Alors, le jardin devient effectivement jardin thérapeutique.

 

 

Finalement ?

Le débat n’est pas tranché (et nous ne prétendons pas l’avoir tranché), mais il serait sans doute temps qu’il le soit ! En effet, comment avancer sereinement dans le déploiement de ces jardins partout en France sans nous mettre d’accord sur une terminologie établie, et bien la définir ?

 

C’est ce que nous avons tenté de faire ici. Nous avons justifié notre choix d’utiliser le terme « jardin thérapeutique », qui nous semble simple, clair, réaliste mais aussi ambitieux, comme devrait être tout jardin en établissement médical ou médico-social.

 

Toutefois, il est évidemment important qu’un nom de baptême soit choisi pour tout nouveau jardin thérapeutique ! (un patient ne dira pas de bon cœur:  « Je vais au jardin thérapeutique ! »)
Un nom invitant,  évocateur de liberté, de poésie, d’harmonie… Un nom qui en fait son identité.

 

Il est important toutefois que ce nom ne cache pas ses objectifs thérapeutiques. Ceux-ci doivent rester au coeur du projet de l’équipe soignante pour qu’elle y mène des actions allant dans ce sens.

Si ce n’est pas le cas, le jardin thérapeutique redeviendra rapidement un simple jardin, comme un autre !

 
 
A propos de l'auteur
Thomas Guizard

Thomas Guizard

Thomas Guizard est Eco-paysagiste, fondateur des Ateliers Guizard. La mission des Ateliers Guizard est de mettre la nature à disposition de ceux qui en sont souvent éloignés alors qu'elle leur serait profondément bénéfique, via des jardins thérapeutiques et des jardins d'entreprises.
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